Où allez-vous quand vous n'êtes ni au travail, ni à la maison ?
Cet espace essentiel à nos villes et à notre bien-être.
Entre les obligations du travail et le confort de la maison, il existe un troisième espace. Un lieu où l'on n'est ni un employé, ni un parent, ni un colocataire, mais simplement... soi-même. Pensez au bar de Cheers ou l’aréna des Boys.
Mais c’est aussi un endroit où l'on peut lire un livre pendant une heure sans se sentir obligé de consommer, croiser des visages familiers, ou simplement regarder le monde passer.
Ce concept est l'un des piliers d'une vie urbaine saine et heureuse. C'est ce que le sociologue américain Ray Oldenburg a nommé en 1989 le « tiers-lieu »(Third place).
Mais c’est quoi au juste ?
Pour Oldenburg, la vie moderne s'organise autour de deux pôles principaux, soit, le premier lieu (First place) représenté par la sphère privée et familiale, la maison. Ensuite le deuxième lieu (Second Place) souvent le travail, plus formel et structuré.
La troisième place, c'est ailleurs. Mais pas n'importe quoi. Ce n'est pas le centre commercial ou l'épicerie. Un véritable tiers-lieu possède des caractéristiques bien précises. C'est un espace:
Neutre et inclusif: Tout le monde est le bienvenu. Nul besoin d'une invitation pour y entrer, et où le statut social s'estompe à la porte.
Accessible: Souvent à distance de marche, avec des heures d'ouverture étendues et sans coût d'entrée (ou presque).
Pour habitué/es : On y retrouve des visages connus, ce qui crée un sentiment de familiarité et d'appartenance. C'est votre "place".
Pensez à ce café de quartier où le barista connaît votre commande, à la bibliothèque où vous aimez vous installer, au pub du coin, au salon de coiffure, au gym ou même au parc à chien où l’on croise les mêmes personnes.
Heureusement, Montréal regorge de ces endroits. La bibliothèque, le café ou le bar de quartier, les jardins communautaires, les centres intergénérationnels, les centres sportifs, les courses de bateaux dragons hebdomadaires sur le canal ou au bassin olympique ou les classes d’impro. Sérieusement, je pourrais continuer longtemps.

Pourquoi les tiers-lieux sont-ils si importants ?
L'idée d'Oldenburg n'était pas seulement descriptive, elle était aussi un avertissement. Il voyait déjà dans les années 80 le déclin de ces espaces et s'inquiétait de l'impact sur la société.
Juste à jeter un coup d’œil sur le sous-reddit de Montréal où vous pouvez lire quotidiennement des appels du genre, « comment se faire des amis » ou « je sors d’une relation et je n’ai plus de contact avec personne ». Il y a une crise de solitude et cette crise n’a pas d’âge.
Les tiers-lieux sont les incubateurs de la communauté. C'est là que naissent les amitiés improbables, que l'on reçoit un conseil d'un voisin, que l'on se sent partie prenante d'un quartier. Ils sont un antidote puissant à l'isolement qui frappe nos sociétés de plus en plus individualistes.
Ils sont essentiels à la vie civique et démocratique. Avant les réseaux sociaux, c'est au café, au pub ou sur la place publique que les idées circulaient, que les débats politiques prenaient forme et que les citoyens se forgeaient une opinion. Ces espaces permettent une discussion informelle, essentielle à la vitalité d'une démocratie saine qui évitait les clivages de plus en plus difficiles à rapprocher.
Probablement un des points les plus importants, ils sont un refuge pour notre santé mentale. C’est un endroit pour décompresser après le travail, pour échapper aux tensions de la maison, ou simplement pour être seul, mais entouré. Ce sentiment d'appartenance discret, sans pression, est incroyablement ressourçant.
Le déclin et la redécouverte d'un besoin fondamental
Depuis des décennies, l'urbanisme a favorisé la voiture solo et les banlieues résidentielles, étirant les distances et rendant plus difficile l'accès à pied à ces lieux de convivialité. La montée des "non-lieux" (centres commerciaux, chaînes sans âme) a remplacé l'authenticité par la transaction.
Et puis, la pandémie de COVID-19 a agi comme un révélateur brutal. En nous confinant, elle nous a fait prendre conscience de ce qui nous manquait le plus.
Certains diront que le numérique a créé de nouveaux tiers-lieux (forums, jeux en ligne, réseaux sociaux). S'ils permettent de maintenir des liens, il leur manque la richesse de la présence physique, le langage corporel ou une rencontre fortuite.
Aujourd'hui, on assiste heureusement à une prise de conscience. Des villes repensent leurs espaces publics qui encouragent les commerces de proximité. Nous redécouvrons que la qualité de vie ne se mesure pas seulement en mètres carrés ou en efficacité, mais aussi en poignées de main et en cafés et bières partagés.
Dans la « ville 15 minutes », les « third places » incarnent parfaitement l'esprit de ce concept urbanistique, en offrant des destinations de proximité qui enrichissent la vie de quartier et diminuent la dépendance à la voiture. Il est plus facile de rencontrer des gens si tu n’es pas seul dans une boite de métal, les fenêtres levées, à l’air climatisé.
Protéger et encourager les tiers-lieux, c'est un acte simple, mais profondément politique. C'est choisir le café indépendant plutôt que le service au volant, fréquenter sa bibliothèque de quartier, ou simplement prendre le temps de s'asseoir sur un banc public.
Et vous, quel est votre tiers-lieu ? Partagez-le dans les commentaires, je suis curieux de découvrir vos endroits préférés, l’endroit où vous pouvez dire allo ou hocher de la tête aux gens que vous y croisez.
Sur le site:
Ailleurs, je vous offre sur le site web un texte où je vous présente le scandale, mélangeant sexe et religion. Une publication qui, en 1836, était le deuxième livre le plus vendu aux États-Unis après la bible. Je vous raconte le récit de Maria Monk, sœur hospitalière en cavale de l’Hôtel-Dieu.